Dre Miriam Clavir
Dre Miriam Clavir, lauréate du prix d'excellence 2023 de l'ACRP
Miriam a été membre de l’association avec une spécialisation en objets ethnographiques et archéologiques de 1987 jusqu'à sa retraite en 2015. Ses contributions à l’ACRP, à la communauté de la conservation-restauration au Canada et au domaine à l'échelle internationale ont été formidables.
Vous trouverez ci-dessous un résumé de l'entrevue menée par Emma Griffiths, lauréate de la subvention pour conservateurs-restaurateurs émergents, et traduite par Vincent Dion. Au cours de l'entretien, Miriam parle de son parcours vers la conservation-restauration, de son expérience en tant que membre de la première cohorte du programme de maîtrise en conservation de l'art de l’Université Queens, de son travail en tant que restauratrice ainsi que de sa recherche et de ses publications. Emma partage à son tour son expérience de travail avec le patrimoine industriel, ce qui mène à des discussions sur la valeur de l'utilisation des objets par rapport à leur présence statique dans une collection et de l'importance de développer une écoute active dans son travail.
Emma Griffiths : Votre premier diplôme était en anthropologie, n'est-ce pas? Comment êtes-vous passée de l’anthropologie à la conservation-restauration ?
Miriam Clavir : J’ai grandi à quelques pas du Musée royal de l’Ontario (ROM), c’est donc là que commence ma réponse à votre question. Les musées m’ont permis de découvrir des individus et des peuples, des visions et des cultures du monde entier ainsi que l'histoire naturelle et la géologie. Cela a élargi mon monde et sa compréhension de manière incommensurable, et c'est pourquoi, pour mon baccalauréat, j'ai étudié l'anthropologie et l'archéologie à l'Université de Toronto. J'ai pu participer à des cours d'archéologie sur le terrain, et grâce à ceux-ci et à la coïncidence extraordinairement heureuse où quelqu'un a quitté son emploi le mois où j'ai obtenu mon diplôme en 1969, j'ai pu obtenir un poste junior au département d'archéologie de l'Ontario au ROM. De l’autre côté du couloir, il y avait la conservation-restauration et j’ai été séduite. Lorsque la plus jeune personne de ce département est partie étudier à l'étranger, j'ai pu commencer ce qui est devenu une passion de toute une vie.
J’apprécie beaucoup les opportunités que j’ai eues au cours de ce voyage. À cette époque, l’Institut canadien de conservation et Parcs Canada établissaient leurs laboratoires dans un contexte économique favorable qui incluait de l'argent et une reconnaissance de l'importance du patrimoine. La perspective d'emploi était très intéressante dans le domaine, et bien sûr il y avait l'ouverture du programme de Queen's.
EG : Aviez-vous déjà eu une formation en art, en chimie ou autre ? Est-ce que ce sont des choses que vous avez dû reprendre au fur et à mesure une fois la transition effectuée ?
MC : J'ai suivi un cours de chimie au programme américain quand il était encore à Cooperstown, pas à Buffalo. C'était un cours d'été d'un mois sous la direction de Caroline et Sheldon Keck, avec la chimie enseignée par Don Sebera. Cooperstown était super. L'année où j'ai travaillé à Ottawa, j'ai suivi un cours du soir de chimie générale à Carleton, dans l'espoir d'entrer à l’ICC ou à Parcs. J'avais l'habitude de patiner le long du canal jusqu'à Carleton. J'ai apprécié cela bien plus que le cours.
De plus, quand j'étais petite, je faisais toujours ce que j'appellerais « l'art et l'artisanat », à travers des cours ou simplement en ayant des opportunités, et j'avais un réel intérêt pour la façon dont les choses étaient fabriquées. Même enfant, je voulais aller aux musées, et je suis allé au Club du samedi matin au ROM et j'ai adoré.
EG : C'était très similaire pour moi, en grandissant, j'ai toujours voulu travailler dans des musées et des galeries, j'ai finalement fait la transition à ce stade ultérieur de ma vie. Mais c’est l’intérêt initial qui le déclenche vraiment. Mais avez-vous fini par aller à Queen’s pour suivre le programme de maîtrise…
MC : Encore une fois, j’ai eu beaucoup de chance. Après mon emploi au ROM, j'ai pu obtenir un emploi à Parcs Canada et j'y étais depuis un an lorsque le programme de Queen's a débuté. Ils voulaient aider l'Université à avoir une classe complète de 12 élèves et j'étais la seule personne avec suffisamment de qualifications. Ils ont accepté le cours à Carleton et le cours d'un mois à Cooperstown, je suppose parce que cela faisait partie d'un programme de conservation-restauration. Parcs Canada a dit: “vous pouvez aller à Queen’s pendant deux ans à condition de travailler pour nous pendant quatre ans par la suite.” Je me suis dit: “quelle chance, un emploi garanti une fois mon diplôme obtenu!”
EG : Pouvez-vous m'en dire un peu plus sur votre expérience à Queens ? Comment c'était d'être dans la première cohorte ? Cela a dû être une expérience tellement excitante.
MC : Nous étions dans le sous-sol d’un autre bâtiment parce que celui destiné au programme n’était pas encore terminé. Cela fera 50 ans que le programme existe maintenant, et je suppose que le programme doit maintenant temporairement être déplacé dans un autre bâtiment pendant qu'ils en construisent un nouveau.
Les choses étaient si différentes. L'univers numérique n'existait pas et les choses étaient moins structurées, je pense, parce que tout le monde essayait simplement de trouver sa voie, étudiants et instructeurs, pour faire grandir le programme.
Étant la première promotion, nous avons formé une cohorte très soudée. Et peut-être que vous l’avez fait aussi, même si la pandémie n’aurait pas aidé. En même temps, les choses ont peut-être été plus souples pour nous puisque que c’était les premières années des cours. Aujourd’hui, 6 personnes sauteraient-elles une heure de laboratoire d’objets pour aller à un cours de patinage? Les instructeurs n’aimaient pas du tout cela, mais ils n’étaient pas non plus les plus soumis aux règles. Je me souviens d'Henry Hodges chantant dans le laboratoire d'objets
EG : C'est tellement excitant d'en faire partie. Je me souviens d'avoir eu des conversations avec Patricia Smithen, responsable du programme et de la conservation-restauration des peintures, elle parlait de la nécessité de développer ses propres photographies en chambre noire et alors que maintenant nous avons le numérique, cela devait être si différent à l'époque.
MC : Tous les instruments spécialisés en fait… les rayons X étaient un technique impressionante à l’époque. Nous avions des cours d'analyse mais, surtout en première année, nous n'utilisions ni n'avions particulièrement accès à du matériel à moins d'être rattaché à la filière scientifique.
EG : Ils ont beaucoup d’instruments maintenant, c’est incroyable. Pour cela, ils ont reçu de nombreux dons de la Fondation Bader. On dirait que la transition de l’anthropologie à la conservation-restauration s’est faite en douceur, c’était comme un chemin très bien tracé pour vous. Où êtes vous allée pour les stages?
MC : La première a eu lieu au musée de Victoria, à l'époque le Musée provincial de la Colombie-Britannique. Et le deuxième était à Hawaï sous la direction de Tony Werner. Encore une fois, j’ai eu de la chance.
EG : Sur quels types de projets avez-vous travaillé à Hawaï?
MC : Les traitements étaient principalement effectués au Centre régional de conservation-restauration du Pacifique au Bishop Museum d'Honolulu, et la plupart des projets étaient des œuvres d'Hawaï et de Polynésie. Il y avait des gens qui sont venus de cette vaste région pour apprendre, par exemple un homme des Îles Salomon, et je suis désolé de ne pas me souvenir de son nom, mais je crois qu'il est devenu directeur d'un musée là-bas. Il travaillait sur une maquette de bateau de sa région avec diverses voiles, et les cordes étaient complètement emmêlées et je me suis dit mon Dieu, comment pourra-t-il un jour défaire ce gâchis, mais il était si habile.
EG : Pouvez-vous parler un peu de ce travail à Parcs Canada, quel genre de travail faisiez-vous à votre retour? Était-ce en site archéologique?
MC : Oui, pour les lieux historiques nationaux, qui font partie de Parcs Canada. Lorsque j’ai obtenu ma maîtrise, on m’a dit d’aller dans l’un des nouveaux laboratoires régionaux de l’agence gouvernementale - ils sont malheureusement maintenant démantelés et les collections centralisées plutôt que de rester dans leurs régions - et j’ai demandé si je pouvais aller à Québec. Mais même cette année-là à Ottawa, j'ai pu participer aux fouilles des Vieilles Forges du Saint-Maurice à Trois-Rivières. Tout le matériel sur lequel nous avons travaillé à Québec provenait de sites historiques et principalement de fouilles, qu'il s'agisse des Forges, de Québec ou d'autres endroits comme le Fort Chambly.
Les laboratoires régionaux étaient assez récents et comme tout le monde était nouveau et qu'il s'agissait d'un petit groupe de personnes, la gestion des collections se trouvait juste à côté de la conservation-restauration et de l'interprétation. Chercheurs et historiens, tout le monde interagissait.
EG : J'ai eu le grand plaisir de faire mon premier stage avec Dee Stubbs Lee et elle a mentionné avoir effectué un stage avec vous et elle avait un exemplaire de votre livre Preserving What is Valued sur sa bibliothèque. C’est un livre fantastique et elle m’a dit qu’il était basé sur votre thèse de doctorat en études muséales. Pouvez-vous me parler un peu du processus d’écriture de ce livre ?
MC : Merci pour vos aimables paroles, Emma. Le livre a commencé quelques années après avoir commencé à travailler au Musée d’anthropologie (MOA) de l’université de Colombie-Britannique (UBC). Le musée a reçu une demande de Gloria Cranmer Webster, d’Alert Bay, pour emprunter des pièces anciennes de la collection permanente afin de les utiliser lors d’un potlach. Gloria avait déjà travaillé avec le musée et le directeur Michael Ames et avait joué un rôle déterminant dans le rapatriement d’objects d'un certain nombre de musées afin de pouvoir créer le centre culturel et musée U'mista à Alert Bay. Une femme merveilleuse, très forte et très engagée envers sa communauté Kwakwaka’wakw.
Les pièces qu'elle avait demandé à emprunter avaient été acquises légalement par le MOA, du moins selon la loi canadienne. Mais lors d’un potlatch, elles se retrouveraient dans un environnement très peu respectueux de la préservation: devant un feu pour une danse, par exemple! Le directeur du MOA, qui aimait se faire l'avocat du diable, m'a demandé de signer les formulaires de prêt disant : oui, ces objets peuvent être portés et être près d'un feu. Cela m’a fait réfléchir : vais-je être exclu de la profession en signant les formulaires de prêt ? Ou vais-je me faire virer de mon travail dans un musée si je ne les signe pas? Et cela m’a permis de réfléchir à ce que les conservateurs-restaurateurs considèrent comme éthique et important et à ce que les peuples des Premières Nations considèrent comme éthique et important de leur côté. C'est ce qui m'a amené à poser des questions, à faire des recherches qui sont devenues une thèse de doctorat à l'Université de Leicester, puis un livre. Leicester offre un diplôme de recherche, ce qui signifie que je n'avais besoin d'être au Royaume-Uni en personne qu'une fois par an. J’étais à mi-carrière et pouvoir faire un doctorat de cette manière me permettait de continuer à travailler. J'ai fait mes recherches sur plusieurs années et le personnel de l'UBC avait droit à un an de congé d'études. J'ai donc pu rédiger ma thèse en trois congés d'un semestre du MOA. Je l'ai révisé pour le livre de UBC Press.
Je suis vraiment reconnaissante que tant de membres des Premières Nations m'aient permis de poser des questions et de transcrire ce qu'ils ont dit sur la préservation de leur patrimoine. Poursuivre mes questions signifiait aussi aller voir un professeur de philosophie pour m'interroger sur l'éthique, chez un avocat pour me parler du statut juridique du rapatriement, auprès de commissaires autochtones et non autochtones et autres travaillant dans le secteur culturel, auprès d'autres restaurateurs pour savoir ce qu'ils et elles leurs musées, y compris les restaurateurs autochtones de Nouvelle-Zélande, où la regrettée Mina McKenzie avait créé des opportunités pour les Maoris de se former en tant que restaurateurs professionnels, et même pour un passionné de voitures anciennes sur l'éthique des courses de voitures anciennes. Etc. La recherche était tellement passionnante, elle m’a donné tellement de matière à réflexion.
EG : Ces discussions sont de plus en plus répandues et les gens en parlent beaucoup plus maintenant. Les politiques de rapatriement sont de plus en plus courantes dans les musées. Mais je suppose qu’à l’époque ce n’était pas le cas, donc ça a dû être un processus assez intéressant d’avoir ces conversations avec les gens. J'ai l'impression que vous avez joué un grand rôle dans tout cela.
MC : Vous avez raison, les restaurateurs ne parlaient pas beaucoup de rapatriement à l'époque, mais cela dépendait du musée dans lequel on se trouvait. Certains travaillaient dans des musées ou dans des centres où arrivaient des demandes de rapatriement. Dans les années 1970 par exemple, et peut-être avant, les Zuni demandaient le rapatriement d’œuvres d’art mises en vente aux enchères, et les conservateurs et directeurs de musées recevaient des demandes similaires, mais très peu de musées acceptaient le rapatriement comme quelque chose qu’ils souhaitaient faire. Puis, vers 1990, la NAGPRA est entrée aux États-Unis, la Native American Graves Protection and Rapatriation Act. Ainsi, le rapatriement était souvent centré sur les matériaux funéraires, non seulement sur les restes humains, mais sur les « biens funéraires », comme on les appelait.
Je ne sais pas de quelles parties de mon livre vous vous souvenez, mais en 1986, Gloria, moi-même et deux restaurateurs du MOA sommes allés à un symposium organisé par l’ICC. Gloria a parlé du rapatriement et ceux d'entre nous du MOA ont parlé de ce que nous faisions pour faciliter les prêts, au moins pour l'utilisation. Ensuite, cette personne d'un musée d’arts décoratifs nous a interrogés, et l'essentiel de ce qu'il a dit, c'est qu'il était consterné par ce que nous faisions. Il ne laisserait jamais utiliser leur collection de céramiques, par exemple. Ce ne sont pas ses mots exacts, et je n’ai pas la publication sous la main, mais c’était vraiment l’ambiance de l’époque.
Dans le contexte dans lequel je travaillais et la manière dont MOA était organisé, nous étions chacun un « département » à la fois, nous avions donc une interaction moins hiérarchique. Nous étions sur le modèle académique où lors d'une réunion et vous êtes assis autour d'une table, tout le monde de chaque spécialité a une voix égale.
EG : Que pensez-vous de vos réalisations en tant que restauratrice en recevant le prix de distinction maintenant après avoir reçu le prix Mervyn Ruggles de l’ACCR? Cela doit être un sentiment formidable de savoir que le travail que vous avez accompli a touché tant de personnes.
MC : C’est vrai. C'est un grand honneur et c'est extrêmement gratifiant de savoir que mon travail a été significatif. Je suis également très heureuse que mon travail ait eu une influence dans le monde des musées, et pas seulement dans notre profession. Je pense que la conservation-restauration convient mieux à certains musées car elle soutient leur direction et s’adapte aux demandes de la communauté, y compris l’utilisation cérémoniale et autre utilisation active appropriée des objets.
EG : Pensez-vous que les mesures prises par le personnel de la conservation-restauration et des musées en général sont suffisantes ? Que pourrait-on faire d’autre pour soutenir la préservation de ces communautés et de ces cultures ?
MC : Eh bien, vous savez, ici, j'ai vraiment l'impression d'être déconnectée de ce qui se passe aujourd'hui, cela fait plus d'une décennie que je n'ai pas donné de conférence et encore plus longtemps que j'ai pris ma retraite de mon travail quotidien au MOA. Je ne sais pas, par exemple, comment les restaurateurs parviennent à équilibrer leur charge de travail en laboratoire tout en ayant suffisamment de temps pour parler aux gens. Les restaurateurs sont-ils impliqués d'une manière qui fait partie d'une équipe, ou non. À part le MOA, je ne sais pas ce qui se passe dans les autres musées.
EG : Y a-t-il une technique spécifique ou un objet qui vous a marqué comme étant très gratifiant ou difficile à travailler ?
MC : Difficile de parler d'un objet en particulier, mais au fil des années, il y en a eu un certain nombre qui ont présenté des défis. À Parcs Canada, à Québec, il y avait une chaussure de bain victorienne en caoutchouc avec de la boue à l'intérieur préservant l'empreinte de la doublure. Au MOA, l'humidité relative pouvait fluctuer et affecter même les grandes sculptures en bois si elles étaient des œuvres d'intérieur. De plus, il fallait s'assurer qu'aucun autre dommage d'aucune sorte ne se produise sur les totems, en particulier là où le bois était très fragile. J'ai mentionné que la conservation-restauration était essentiellement le département d'un seul restaurateur à l'époque, mais en plus, j'avais 4 formidables associés bénévoles, et souvent un ou occasionnellement 2 stagiaires financés par les programmes fédéraux d'aide aux musées, et je suis toujours extrêmement reconnaissante pour tout cela.
De nombreuses mesures de conservation préventive étaient nécessaires dans le bâtiment du MOA. Des parties du toit fuyaient par exemple, mais cela a été réparé grâce à la rénovation effectuée après mon départ. Heureusement, la gestion des collections a également travaillé sur la conservation préventive, donc pour être honnête, je dois dire que je n'ai pas eu le temps de faire beaucoup de travail manuel, surtout pendant le semestre où j'enseignais. De plus, la conservation était impliquée dans de nombreux domaines en dehors des traitements et de la conservation préventive. En plus du travail de neuf à cinq, le personnel du MOA organisait des programmes publics en soirée, comme une clinique populaire de conservation et d'identification une fois par mois. J'écrivais des subventions, nous recherchions comment améliorer ce que le MOA appelait alors l’entreposage visible…. Permettez-moi d’ajouter qu’en raison de la façon dont le MOA considérait sa mission et sa structure, je ne me sentais pas enfermée. C'était un environnement créatif.
EG : Je pense que beaucoup de gens ne comprennent pas les nombreuses tâches que doivent effectuer les restaurateurs. Comme vous l'avez dit, cela inclut également l'enseignement. Pouvez-vous parler un peu de votre style d’enseignement et de votre approche de travail avec les stagiaires ?
MC : Eh bien, il faudra demander aux stagiaires eux-mêmes quel était mon style! L'enseignement, les cours et les laboratoires, peut-être à cause de la période, étaient plus structurés que je ne le ferais aujourd'hui. J'ai principalement donné des cours magistraux sur des sujets tels que la nature des matériaux, comment ils se détériorent, quelles mesures préventives vous pouvez prendre et quand faire appel à un restaurateur, la différence entre restauration et conservation…
J’enseignerais aujourd’hui plutôt davantage par le biais du dialogue. Il y a tellement de contenu sur la conservation qui m'intéressait vraiment et j'espérais que cela intéresserait les étudiants en retour. Je pense que l'enthousiasme pour le sujet est important.
EG : La différence entre conservation et restauration est une discussion intéressante. Je travaille avec AOC Archaeology au Royaume-Uni, et ils travaillent actuellement sur le contrat de conservation d'une quatorzaine de sites industriels en Écosse. On travaille avec des collections industrielles et la restauration est nettement plus courante, je dirais. Aucun des sites n'a de restaurateur parmi son personnel, mais ils ont reçu un financement pour des projets de conservation spécifiques. Il est intéressant de travailler avec des bénévoles dans des musées et de comprendre leur compréhension de la différence entre conservation et restauration. Ce n'est pas toujours aussi facile à expliquer que je l'espérais.
MC : C’est très vrai. Et ce sont des bénévoles qui ont travaillé comme mécaniciens, disons, et ils savent faire des choses qu'on n'aurait jamais su faire et ils ont un réel investissement dans l'objet. De leur point de vue, dans de nombreux cas, la machine devrait à nouveau fonctionner. C’est toute cette question d’usage versus statique : où se trouve le sens de l’objet ? Lorsqu’il est utilisé ou est-il mieux exposé dans un musée ?
EG : Ce n'est pas une chose à laquelle j'ai beaucoup réfléchi avant de travailler avec des collections industrielles, surtout quand, comme vous le dites, vous travaillez avec des personnes ayant une formation en ingénierie. Avec les musées ferroviaires ou miniers, rien ne remplace les connaissances qu'elles ont, mais c'est parfois difficile d'avoir cette conversation maintenant que l'objet fait partie de cette collection, et ce n'est plus le même que lorsqu'ils travaillaient dans leur domaine.
MC : Je me demande si c'est aussi difficile parce que vous êtes une jeune femme et qu'il s'agit peut-être d'hommes plus âgés ?
EG : Je pense que cela entre certainement en jeu parfois. Mais la conservation-restauration est pourtant une profession avec beaucoup de femmes.
MC : Maintenant, mais ce n’était pas le cas auparavant. Avant que cela ne soit formalisé et que les programmes universitaires ne soient mis en place, le secteur était très dirigé par des hommes. Mais il y avait des gens comme Gettens et Stout, Plenderleith et Werner, puis la génération suivante qui faisaient un travail intéressant et professionnel. Je pense que l'IIC (International Institute for Conservation of Historic and Artistic Works) n'a commencé que dans les années 1950, ce qui ne fait pas si longtemps, donc je considère toujours la profession comme un peu nouvelle, certainement en termes des musées eux-mêmes.
Mais en parlant de devoir expliquer aux gens qu’un objet fait désormais partie d’une collection et qu’il ne peut pas être traité de la même manière que vous le feriez avant. C’est ce que nous disent les membres des Premières Nations : « comment ça, ça fait partie d’une collection? Ce sont nos biens, nous voulons qu’ils soient ce que nous voulons qu’ils soient, et nous avons le droit de le dire et de les récupérer aussi.» C’est une étape encore plus approfondie dans la question : « attendez une minute, pourquoi fait-il partie d’une collection ? » Par exemple, que veulent ces gens qui travaillent dans les musées industriels en termes de situation finale de l’objet ?
Quoi qu'il en soit, vous savez que c'est une question intéressante à laquelle il faut trouver des réponses, et puis le musée qui possède la collection, dans quelle direction emmène-t-il le musée ? Est-ce qu’ils abandonnent tout pour les programmes publics et pour le divertissement?
EG : Cela dépend aussi de la signification de l'objet, ce qui n'est pas toujours facile à cerner. Ces objets entrent dans des collections et il faut conserver le matériel original. Eh bien, qu'est-ce qui est original ? Le matérial à la sortie d'usine ? Avec les objets industriels, les pièces sont changées très souvent tout au long de leur vie, à quel moment cesse-t-il d’être original ?
MC : C'est ce qui est devenu pour moi important dans mon travail, en posant ces questions et en essayant de voir tous les différents aspects qui jouent dans la façon dont vous résolvez la question, si elle peut même être résolue.
EG : Il y a certainement une compétence à avoir pour entreprendre ces conversations et s'assurer que tous aient le sentiment d'avoir été entendus et compris. Ce n’est probablement pas une compétence que tout le monde possède initialement. Vous avez accompli beaucoup de choses dans ce domaine et vous devez avoir de très bonnes compétences en médiation.
MC : Encore une fois, il faudrait demander aux gens à qui je parlais ce qu'ils en pensent. Mais j'aurais aimé que davantage d'ateliers soient proposés dans les programmes de conservation-restauration sur ce genre de choses, sur tous les différents types d'interactions avec les gens, et même sur la manière de faire un extrait sonore d'une interview. J’aimerais vraiment que les restaurateurs aient plus de chance de développer les compétences, notamment émotionnelles, nécessaires pour bien interagir avec les gens, en particulier ceux qui ne sont pas d’accord avec vous, ainsi qu’avec les collections.
Je ne sais pas pour vous, mais je suis quelqu'un qui s'intéressait beaucoup aux choses, aux objets, pas particulièrement aux gens. Nous n’exerçons pas ce métier parce que nous voulons nous concentrer sur le bien-être des gens, mais je pense que les compétences relationnelles sont vraiment importantes.
EG : L'attrait de travailler seul dans un laboratoire ne s'accompagne pas toujours des compétences relationnelles qui sont de plus en plus nécessaires. Pour mon stage, je fais des interventions sur des objets exposés et je dois converser avec le public. Le travail de conservation-restauration est de plus en plus mise en avant pour le public.
MC : Être capable de faire cela, avoir ou gagner la confiance de pouvoir le faire, c'est formidable.
EG : Avez-vous des conseils à donner en matière de recherche aux personnes comme moi qui se lancent dans la profession? Parfois, il semble un peu difficile de décider quels éléments sont pertinents pour les articles. Avez-vous commencé avec l'intention d'écrire quelque chose à publier ou est-ce que cela a simplement évolué grâce au travail que vous faisiez et avez trouvé qu'il était important que les gens le sachent ?
MC : Eh bien, c'était en partie dû au contexte. Dans un musée universitaire, publier était une bonne chose, on était toujours soutenu si on publiait. Comme vous le savez, j'adore écrire et cela m'a donné beaucoup de plaisir, j'ai pu m'asseoir, écrire et organiser mes pensées.
Il y avait aussi le contexte dans lequel les gens commençaient à disputer ce que faisaient les musées et ce que la conservation-restauration devrait faire au sein des professions muséales. Eh bien, il y a eu un conflit dès le début. Vers 1967, lorsqu'on a célébré le centenaire du Canada, les arts sont devenus une chose importante et les grands musées ont reçu de l'argent et on leur a essentiellement dit qu'ils devraient avoir des restaurateurs s'ils voulaient continuer à être considérés comme des musées professionnels et recevoir des subventions. Ces restaurateurs ont été considérés comme faisant simplement obstacle à ce que les directeurs et les conservateurs/commissaires voulaient faire, et comme ayant des idées étouffantes et sans compromis qui devaient être suivies à la lettre. Je vous ai donné l'exemple du spécialiste des arts décoratifs plus tôt.
Pour un musée possédant une collection comme celle du MOA, il fallait tenir compte du contexte plus large de la relation du Canada avec ses peuples autochtones. J'ai commencé au musée en 1980, et en 1982, lorsque la Constitution a été rapatriée, une grande question était de savoir si les droits des Premières Nations seraient inscrits dans la Constitution. Cela a affecté les musées et, dans un sens, m'a affecté personnellement, ce que j'en pensais ; encore une fois, cela m'a amené à remettre en question mon travail dans un contexte plus large.
Toutes ces choses se sont réunies, c'est pourquoi j'ai fini par pouvoir rechercher et publier autant de choses.
EG : Cette vision des restaurateurs comme des gens qui faisaient obstacle et qui disaient non est quelque chose qui a été évoqué dans le programme, en particulier sur le travail avec des expositions. Dans un cours avec Patricia, nous avons discuté de « choisir ses combats » et de ne pas toujours être la personne qui dit non, car les gens trouveront un moyen de vous contourner s'ils veulent réaliser quelque chose. Avez-vous l’impression que vers la fin de votre carrière, ce genre de sentiment envers les restaurateurs a un peu changé ?
MC : Je pense que cela dépend beaucoup des gens et de la vision du musée. Les gens, les restaurateurs et tous ceux avec qui ils travaillent, comme les concepteurs d'expositions. Je pense que cela peut aussi dépendre de si le restaurateur exerce en pratique publique dans un musée ou une galerie, ou en pratique privée. Parce que, je pense, les praticiens privés ont souvent l'impression qu'ils ne disposent pas de la même marge de manœuvre. Ils doivent être considérés comme étant au plus haut niveau, techniquement et éthiquement, pour maintenir la viabilité de leur entreprise, et ils devront donc peut-être définir plus strictement ce qu’est la meilleure solution. Sont-ils capables de « choisir leurs combats » autant ? Je serais intéressé d’entendre les membres de l’ACRP là dessus.
EG : Je voulais vraiment aussi parler de votre travail littéraire de fiction parce qu'il est très intéressant et j'ai hâte d'en lire certains. Qu’est-ce qui vous a incité à vous lancer dans l’écriture de littérature fictive sur la conservation-restauration?
MC : J'ai commencé à écrire de la fiction seulement lorsque j'ai pris ma retraite de mon travail quotidien. Je suppose que je peux plaisanter en disant que j'avais entendu dire que quand on arrête de travailler et qu'on prend sa retraite, il y a toujours quelqu'un qu'on aimerait tuer (rires). Cependant, dans le domaine, il existe de nombreuses façons réelles de tuer des gens, il suffit de regarder l'armoire à produits chimiques (rires). Et l’un des vieux adages en matière d’écriture est d’écrire ce que l’on sait. En plus des romans policiers, j'ai publié une douzaine de nouvelles dans des revues littéraires, et avec celles-ci également, j'ai commencé à écrire sur les musées ou sur des situations muséales, mais ensuite j'ai continué à partir de là.
EG : Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter ou quelque chose d'autre dont vous aimeriez parler, ou avez-vous un dernier mot de sagesse pour les personnes qui, vous savez, débutent dans leur carrière ?
MC : Eh bien, entretenir votre curiosité pour tout, et lorsqu’arrive une situation de travail qui vous touche d'une manière ou d'une autre, allez-y, réfléchissez-y, regardez-la, parlez-en aux gens. Ce n’est pas seulement un travail. Une réflexion large et une écoute « active » sont vraiment importantes. Vous devez vraiment écouter les autres points de vue, car souvent votre esprit est déjà en train de former votre opinion au lieu d’écouter. L'écoute active n'est pas qu'un mot à la mode, c'est une écoute respectueuse, et même si cela n'est pas facile, il est très important d'en être conscient et d'essayer de le pratiquer.
Faites également attention aux hiérarchies, à mon avis. Si vous travaillez avec des bénévoles mais que vous êtes payé, ou si vous êtes restaurateur et responsable d'un projet où d'autres n'ont pas cette expérience, cela ne veut pas dire qu'ils sont moins compétents que vous - ils ont un type de connaissances différent.